Tu comprends bien que le rugby, quand même, c’est tout dans la tête. Ça se voit.
Non, parce que si on parle de sport total, y’a qu’à voir l’engagement de ces tronches, l’implication absolue de ces regards, l’attention d’aigle, les contractions à bloc. Là, tu vois, c’est des mecs qui jouent avec la tête. Des gueules, comme on dit.
Pas un qui s’esquive, pas un qui triche. De haut en bas et de droite à gauche, tu peux lire tout le vocabulaire rugbystique, tout le répertoire des pensées philosophiques qui te traversent sur le terrain. Ça va du « ho putain putain » au « rhaahahahahsnirf », du « gnééééééé » au « aïïïïïeuh », avec des pointes de « ‘culé ‘culé culé » ; on trouve du « mvouf » vengeur, du « pfouaïllle » à l’affût, du « pwarf » exténué, du « gnaaaaaaark » agressif, du « héhéhéhéhé » d’entraîneur qui jubile ; et puis, en bas, tu as toutes les expressions du joueur : le fier qui relève, l’équilibriste qui s’applique, le brutal qui s’élance, le déterminé prêt à plonger, et le calme olympien de celui qui sait bien qu’à la fin, il gagne, même d’une courte tête.
On n’est pas sûr que ce soit les images qu’il faut montrer aux mamans pour qu’elles inscrivent leur petit à l’école de rugby, ni à nos moitiés qui pensent qu’on s’amuse ou qu’on fait du sport le mercredi soir. Non, nous on joue au rugby, et comme tu peux le voir, on a la gueule de l’emploi.
Manu